Émigrer et travailler
Je suis arrivé en Argentine en 1897. J’avais 17 ans, et nous avons dû émigrer de notre Italie natale à la recherche de meilleurs horizons… car personne ne quitte sa patrie s’il y est bien. Nous nous sommes installés à Bahía Blanca, et j’ai commencé à travailler dans une usine de tuiles. Il n’était pas question que j’étudie.
Ce qui est bien, c’est qu’il y avait là une maison salésienne, et c’était ma deuxième maison… où j’ai grandi dans la foi, en participant à différents groupes, et aux côtés des salésiens, j’ai appris à sortir et à aider ceux qui étaient le plus dans le besoin, à ne pas rester à l’aise en regardant les autres qui avaient besoin d’aide.
Et maintenant, en regardant en arrière, je pense que je pouvais comprendre les souffrances de tant de personnes qui vivaient avec de nombreuses limitations… parce que j’étais l’une d’entre elles.

J’ai cru, j’ai promis et j’ai été guéri
Plusieurs fois dans ma vie, j’ai fait l’expérience que Dieu est toujours avec nous. Surtout, à l’âge de 22 ans, en 1902, lorsque j’ai été atteint de la tuberculose, qui à l’époque était fatale. Et même si j’étais à Bernal, étudiant pour devenir Salésien, le meilleur remède à l’époque était d’être dans un endroit avec un meilleur climat. Je suis donc allé à Viedma, où les Salésiens avaient un hôpital.
Le Père Garrone, qui en était le directeur, m’a suggéré, en plus des médicaments, de me confier à Marie Auxiliatrice, en promettant que si je guérissais, je consacrerais toute ma vie aux plus pauvres… et ainsi j’ai cru, j’ai promis et j’ai été guéri. J’ai essayé de garder cette attitude de confiance en Dieu et de certitude de la présence proche et active de Marie tout au long de ma vie, et je l’ai nourrie par la prière quotidienne et la participation à tous les moments qui m’ont aidé à grandir et à manifester ma foi.

Avec Dieu et avec les circonstances
Je ne m’attendais pas à ce que ma vie de Salésien soit d’aider les malades. Mais à l’exemple de Don Bosco, qui agissait selon ce que « Dieu lui inspirait et ce que les circonstances exigeaient« , j’ai passé cinquante ans dans l’hôpital salésien de Viedma. D’abord comme infirmier, puis en prenant tout en charge… surtout en essayant de faire de cet hôpital une authentique maison salésienne.
Et bien que j’ai beaucoup appris par la pratique, il est devenu nécessaire d’étudier pour offrir un meilleur service, notamment aux plus démunis, afin que la pharmacie de l’hôpital puisse fournir des médicaments presque gratuitement. C’est ainsi qu’en 1917, j’ai obtenu mon diplôme de pharmacien et qu’en 1948, je me suis inscrit en tant qu’infirmier… non pour ma gloire, mais toujours dans un souci de service.

Dans ce monde, personne n’est laissé pour compte
Les malades venaient de partout à l’hôpital, surtout les désespérés, sans ressources. Moi qui avais été très malade, je les ai très bien compris et les ai accueillis. J’ai été guidé par ce que Don Bosco avait écrit aux premiers missionnaires qui sont venus en Argentine : « Prenez particulièrement soin des malades, des enfants, des pauvres et des personnes âgées ».
Certains me disaient « Zatti, tu as toujours le pire… », alors que nous recevions des patients que d’ autres hôpitaux rejetaient. Cependant pour moi, ils étaient les meilleurs… parce qu’en eux j’ai vu la présence réelle de Jésus, en gardant à l’esprit que « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait i ».
Et certains d’entre eux sont restés longtemps. Je me souviens d’un garçon macrocéphale, dont l’apparence était impressionnante, et d’une fille muette plutôt agitée, qui, comme tous les enfants, faisait des bêtises, ce qui était parfois problématique. À un moment donné, ils m’ont suggéré de les envoyer ailleurs, « pour qu’ils soient mieux soignés et qu’ils laissent l’hôpital tranquille ». Mais je m’y suis objecté : « Ces deux-là, leur ai-je dit, apportent la bénédiction de Dieu sur l’hôpital« .

Avec les jeunes et en communauté
J’ai toujours aimé et senti que je faisais partie de la communauté de Viedma, participant à tout ce que je pouvais. Surtout dans la vie des jeunes, en essayant de les aider à grandir, dans les différents groupes qui se sont formés dans la ville pour proposer de cheminer ensemble dans la vie. J’aimais partager avec eux des activités , surtout celles qui nous faisaient sentir plus « chez nous », comme le voulait Don Bosco.
Au quotidien, j’étais aussi très actif dans ma communauté religieuse Salésienne, avec mes frères prêtres et coadjuteurs, avec lesquels nous partagions joies et peines. Nous commencions la journée ensemble par un bon moment de prière, nous partagions les repas, les tâches, la recherche du meilleur pour ceux qui avaient besoin d’un coup de main… et ensemble nous faisions face aux situations changeantes de la vie, avec la certitude de ce que Don Bosco nous a promis : « un peu de paradis arrange tout « .
